LES EGLISES BAPTISTES
Les Eglises Baptistes font partie d'un vaste courant issu du protestantisme et qui a rompu avec lui, en raison notamment de sa pratique baptismale. Elles rejettent farouchement le Baptême des enfants et pratiquent le Baptême des professants qui a lieu par immersion. Dans la mesure où elles sont attachées à certaines vérités fondamentales du christianisme (inspiration et inerrance de la Bible, corruption totale de l'humanité, naissance virginale, mort rédemptrice et résurrection corporelle du Christ, nécessité de la foi pour être sauvé, justification par la foi sans les oeuvres de la Loi, retour du Christ pour le jugement, réalité des peines infernales pour les incroyants), ces Eglises s'inscrivent dans la mouvance fondamentaliste. Cependant elles ne s'identifient pas toutes à elle. Certaines, notamment aux Etats-Unis, sont franchement pluralistes et infestées par le libéralisme. Elles sont en règle générale millénialistes et croient à l'instauration d'un règne visible du Christ sur la terre.L'origine lointaine du baptisme est le mouvement anabaptiste du XVI° siècle, son origine proche l'Eglise Anglicane du XVII° siècle. Plusieurs Eglises non conformistes s'affirmèrent en Angleterre sous le règne d'Elisabeth (1558-1603) en opposition à l'épiscopalisme anglican, ainsi qu'en Ecosse sous l'impulsion de John Knox (1505 ou 1513-1572), disciple de Calvin. Celle de John Smyth à Gainsborough accueillit des réfugiés anabaptistes et mennonites et instaura le Baptême des adultes. Persécutés, ces chrétiens s'enfuirent aux Pays-Bas. A la mort de John Smyth, en 1612, un groupe de ses disciples revint en Angleterre et y fonda la première Eglise baptiste. En 1620, un certain nombre de Baptistes hollandais partirent pour le Nouveau Monde à bord du "Mayflower". Ils sont à l'origine des très importantes communautés baptistes américaines.
Au XVIII° siècle, le réveil provoqué par John Wesley (1703-1791), fondateur du méthodisme, secoue les communautés baptistes tendant à s'endormir. Sous l'impulsion d'un des leurs, William Carey, elles organisent une grande action missionnaire à travers le monde. Plusieurs mouvements dissidents ont vu le jour, dont les baptistes du 7° jour, les adventistes et les pentecôtistes.
Les Eglises baptistes sont implantées à l'heure actuelle, selon des statistiques de 1987, dans 147 pays. Les chiffres sont encore plus approximatifs que pour les fidèles catholiques, anglicans ou protestants, car il existe plusieurs façons de répertorier les fidèles (avec ou sans les enfants, membres baptisés ou non, membres communiants ou non, etc.). Les baptistes sont au nombre de 35.000.000 dans le monde, dont 28.600.000 aux Etats-Unis, 900.000 en Inde, 700.000 au Brésil, 500.000 dans l'ancienne U.R.S.S., 400.000 au Nigeria, 300.000 au Zaïre, 200.000 en Grande-Bretagne, 100.000 en Roumanie, et environ 20.000 en France.
En France, le baptisme est apparu au XIX° siècle dans la région de Valenciennes (1810), puis à Douai (1835), grâce à l'aide d'Eglises baptistes suisses et américaines. L'évangélisation porta d'abord sur le bassin houiller du Nord de la France et du Sud de la Belgique, puis sur les départements de l'Oise et de l'Aisne, la région de Montbéliard, Paris et sa banlieue, et en particulier le Midi. Deux associations existaient au début de ce siècle, l'Association Franco-Belge (Nord de la France et Belgique) et l'Association Franco-Suisse (région parisienne, Est et Sud de la France, Suisse romande) groupée autour de la personnalité de Ruben Saillens. Lorsqu'après la Première Guerre Mondiale, les baptistes américains suggérèrent d'unifier administrativement les deux associations, on se heurta à de sérieuses divergences doctrinales. Le libéralisme avait fait son oeuvre néfaste. Plusieurs pasteurs décidèrent de ne pas entrer dans le mouvement unifié. Lorsque naquit la Fédération des Eglises Evangéliques Baptistes, qui regroupe en gros les Eglises de l'ancienne Association Franco-Belge (environ 35 lieux de culte, avec siège au 48 rue de Lille, Paris VII°), ces pasteurs, au nombre de six, se réunirent le 5 mai 1921 à la gare St. Lazare, sur un banc à bagages, et décidèrent de fonder une association. Celle-ci fut constituée en 1923 à Montbéliard sous le nom d'Association Evangélique d'Eglises Baptistes (12 lieux de culte, avec siège à Nîmes). Tandis que la Fédération des Eglises Evangéliques Baptistes défend un certain pluralisme et est favorable à un oecuménisme modéré (Fédération Protestante de France), l'Association Evangélique des Eglises Baptistes milite pour un fondamentalisme biblique résolument antilibéral et se tient à l'écart du mouvement oecuménique. Citons encore la Mission du Tabernacle, créée en 1922 par Ruben Saillens. La différence doctrinale entre les deux groupes baptistes français se retrouve dans le baptisme mondial, et souvent à une échelle beaucoup plus grande. C'est ainsi que le baptisme américain, par exemple, va du fondamentalisme le plus étroit et le plus légaliste au libéralisme le plus grossier.
Définir et formuler la doctrine des Eglises baptistes est une gageure, une tâche pour ainsi dire impossible. D'une part parce que, à l'inverse du protestantisme luthérien et réformé, elles n'ont pas de confession de foi qui leur serve de norme, et d'autre part en raison des divergences doctrinales existant entre elles. Quand bien même elles le voudraient, il serait donc impossible à toutes les Eglises baptistes de souscrire à une confession de foi unique. Très schématiquement, on peut dire qu'il existe des "baptistes généraux" qui croient en l'universalité de la rédemption et sont plus ou moins du type arminien ou synergiste, et des "baptistes particuliers" affirmant que le Christ n'est mort que pour les élus et que Dieu ne veut pas le salut de tous. Cependant il existe chez tous les baptistes, par-delà leurs différences, un certain nombre de principes auxquels ils restent attachés:
- le Baptême des croyants ou des professants, administré généralement par immersion;
- la souveraineté absolue du Christ dont la volonté est révélée dans la Bible. Ce qui ne signifie pas que tous les baptistes croient en l'inspiration plénière et l'inerrance de la Bible; beaucoup parmi eux souscrivent aux thèses de la critique actuelle;
- l'action régénératrice immédiate du Saint-Esprit et la négation du pouvoir régénérateur des sacrements;
- la nécessité affirmée par beaucoup d'Eglises baptistes de réaliser et de préserver l'unité doctrinale dans certaines vérités dites fondamentales. C'est ce qu'on appelle le fondamentalisme. En dehors de ces vérités, on affirme la légitimité d'un certain pluralisme, ce qui a pour conséquence un désaccord des baptistes dans les doctrines dites secondaires;
Doctrine de l'homme:
Beaucoup d'Eglises baptistes affirment que l'homme possède assez de volonté et de ressources spirituelles pour faire le bon choix, au moment où il entend l'Evangile, et se décider pour le Christ. On appelle cela l'arminianisme ou le synergisme:"Nous croyons que, personnellement et directement responsable devant Dieu, l'homme a pour vocation de déterminer lui-même librement et définitivement son sort éternel dès ici-bas, par la position spirituelle qu'il aura prise durant sa vie terrestre, à la clarté des lumières qui lui auront été accessibles" (Confession de foi de l'Association Evangélique d'Eglises Baptistes, 1923, Article 3).On peut lire aussi dans le Catéchisme de Jacques Dubois (Neuchâtel, 1971):
"Pour se convertir, il suffit de s'approcher de Dieu dans une prière sincère de repentance, lui demandant pardon, et, en même temps, de croire de tout son coeur au Seigneur Jésus" (o.c., p. 60).Cf. le journal de Billy Graham intitulé Décision et les traditionnels appels à la décision lancés au cours des campagnes d'évangélisation et qu'il ne faut pas confondre avec les invitations à croire qu'on trouve dans la Bible: "Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé". La théologie baptiste enseigne donc en règle générale le libre-arbitre. Selon elle, l'homme n'est pas corrompu au point de ne pouvoir rien faire pour son salut. Aussi la doctrine du péché originel ne trouve-t-elle pas chez elle la place qui lui revient. Elle n'est même pas mentionnée dans le catéchisme de Jacques Dubois! Serait-ce parce qu'elle ne trouverait pas l'assentiment de tous ses lecteurs?
Le Baptême:
L'Association Evangélique des Eglises Baptistes confesse:"Nous croyons que l'immersion totale est, pour l'homme régénéré, l'emblème divinement choisi de la purification de ses péchés, de son ensevelissement et de sa résurrection avec Christ. Nous croyons que, d'après l'ordre du Sauveur, cet acte symbolique est perpétuellement obligatoire" (Confession de Foi, Article 7).Quant au Pasteur Jacques Dubois, il définit ainsi l'essence et la raison d'être du Baptême:
"Le Baptême est un témoignage public de notre appartenance à Christ. En nous faisant baptiser, nous déclarons être morts avec Christ au péché et vivre désormais de sa vie" (Catéchisme, p. 86).Dans son ouvrage Le Baptême, Alfred Kuen traite, sous le chapitre "Signification et valeur du baptême", les points suivants: 1) Le baptême: symbole d'une union avec Christ. 2) Le baptême: symbole d'ne mort et d'un ensevelissement. 3) Le baptême: symbole de notre résurrection avec Christ. 4) Le baptême: symbole d'un bain de purification. 5) Le baptême: symbole d'un revêtement. 6) Le baptême: symbole du sceau du Saint-Esprit. 7) Le baptême: symbole d'un passage à un nouveau monde, à une nouvelle humanité (o.c., p. 32-67). On le voit, le baptême est un symbole et rien que cela. Dieu n'y agit pas, le Saint-Esprit ne se lie pas à lui pour offrir et conférer à l'homme le pardon et la vie éternelle, mais celui-ci, en se faisant baptiser, atteste publiquement qu'il appartient à Christ et qu'il veut vivre uni à lui, en renonçant au péché. Alfred Kuen rejette énergiquement la doctrine du Baptême de Luther (o.c., p. 111).
Henry Thiessen écrit dans la même veine:
"L'ordonnance du baptême est un symbole de l'identification du croyant avec Christ dans sa mort, son ensevelissement et sa résurrection.... Le baptême symbolise que le croyant est identifié avec Christ, car il est baptisé dans le nom du Seigneur Jésus... Le baptême n'effectue pas cette identification, mais la présuppose et la symbolise. Non seulement le baptême symbolise l'identification du converti avec Christ, mais c'est aussi le moyen visible qui identifie le pénitent au groupe local des croyants" (Esquisse de Théologie Biblique, 1979, trad. française 1987, p. 361.362).Nous touchons là sans doute à la plus grave erreur du baptisme. On comprend pourquoi il est hostile au baptême des enfants. Qu'ils croient ou non en la réalité du péché originel, les baptistes estiment que le baptême n'est d'aucun secours aux nourrissons, puisqu'il n'est pas un moyen par lequel Dieu offre son pardon et le salut. Alfred Kuen écrit à ce sujet:
"La doctrine du péché originel a été définie par Augustin; il n'en est nulle part question dans la Bible comme d'une souillure dont le baptême devrait nous purifier. Aucun homme ne mourra à cause du péché originel (Jér 31:30). Nous sommes justifiés par la foi (Rom 5:1) et non par le baptême" (o.c., p. 195).
La Sainte Cène:
La doctrine baptiste de la Sainte Cène nie la présence réelle du corps et du sang du Christ et, d'une façon générale, le caractère sacramentel de cet acte. Celui-ci n'est donc pas un moyen de grâce dans lequel Dieu offre sa grâce et son pardon sous les espèces visibles du pain et du vin, mais un repas chargé de commémorer et d'annoncer la mort du Christ et de concrétiser visiblement la communion des croyants dans la foi. La Confession de Foi de l'Association Evangélique des Eglises Baptistes déclare:"Nous croyons que la Cène, instituée par notre Seigneur Jésus-Christ pour commémorer et proclamer sa mort expiatoire sur la croix, doit être observée dans les Eglises locales et sous leur contrôle jusqu'à ce qu'il revienne. Nous croyons que le pain et le vin sont les symboles du corps immolé et du sang versé de notre Sauveur et qu'en y participant, les chrétiens témoignent qu'ils sont un seul corps avec Jésus-Christ. Nous croyons que par cette participation, ils proclament également leur ferme assurance du retour en gloire de leur Seigneur" (Confession de Foi, Article 3).C'est à peu près ce que Zwingli enseignait en son temps. Cf. dans le chapitre sur les Eglises réformées, le paragraphe sur la Sainte Cène.
La doctrine des choses dernières:
L'eschatologie ou doctrine des choses dernières des Eglises baptistes exprime généralement deux convictions propres aux mouvements évangéliques: 1) Il y aura avant la fin des temps une conversion massive des Juifs; 2) Jésus reviendra instaurer sur terre un règne de mille ans, avant la fin du monde et le jugement. Cf. PDL, p. 126-128.Il est un peu navrant de constater que le catéchisme de Jacques Dubois consacre deux pages entières à l'histoire actuelle du peuple d'Israël, une seule à l'oeuvre rédemptrice du Christ, et qu'il ne contient aucun chapitre sur le pardon des péchés ou la justification. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'en parle pas du tout (ce serait une catastrophe), mais la place qui lui est réservée est très petite. Terrible disproportion!
"Le salut d'Israël ne saurait venir de la force de ses armes, ni de son génie propre. Il est bien difficile de savoir ce que l'avenir immédiat réserve à ce peuple. Les prophéties nous apprennent pourtant qu'à la fin, des temps de détresse doivent jusqu'à le faire désespérer de sa propre survie, et que c'est acculé à la dernière extrémité qu'il se tournera vers le Messie pour le reconnaître et se convertir à lui (Ezéchiel 38; Zacharie 12-14). L'Eternel combattra lui-même et viendra délivrer les siens dans une ultime et grand bataille. Le point final de notre Histoire, nous le croyons, doit trouver son dénouement en Israël" (Catéchisme, p. 51).Ensuite, à une date que nul ne connaît, Jésus enlèvera son Eglise et la conduira dans le ciel. Les croyants ressusciteront pour participer à cet enlèvement (1° résurrection). La terre connaîtra alors une grande tribulation qui durera un temps, deux temps et la moitié d'un temps, soit trois ans et demi. L'Antichrist et le Faux-Prophète passeront à l'action. Une terrible guerre éclatera en Israël, à Harmaguédon, faite de violences et de persécutions. Mais Jésus descendra du ciel et donnera la victoire aux siens. Puis il instaurera le millénium et fera régner pendant mille ans la justice, la paix et le bonheur.
Ensuite, Satan sera relâché et beaucoup succomberont à ses tentations. Mais le Christ le foudroiera, puis il ressuscitera les incrédules (2° résurrection) et les condamnera éternellement, tandis que les croyants seront reçus dans le ciel. On appelle cette théorie le prémillénialisme. Cf. son exposé détaillé dans les ouvrages de René Pache, Le retour de Jésus-Christ et L'Au-delà (Emmas).
L'Eglise luthérienne rejette le prémillénialisme pour les raisons suivantes:
- L'Ecriture Sainte ne parle jamais d'un règne terrestre du Christ, pas même dans Apocalypse 20. Son règne est spirituel, invisible, dans les coeurs.
- Ni le Christ ni les apôtres ne promettent aux croyants la paix et l'âge d'or sur terre; leur vie sera toujours, et cela jusqu'à la fin du monde, faite de tribulations et d'épreuves.
- Quand Jésus reviendra sur terre, ce sera la fin de toutes choses (Matthieu 24:30 ss.; 25:31.32; 2 Pierre 3:10).
- Il n'y aura qu'une résurrection. La Bible ne dissocie pas la résurrection des croyants de celle des incroyants (Daniel 12:2; Jean 5:28.29; 1 Corinthiens 15:24). Elle précise d'ailleurs que la résurrection des croyants aura lieu au dernier jour (Jean 6:39.44.54; 11:24; 1 Thessaloniciens 4:16 ss.).
- Une telle doctrine est dangereuse, car elle tourne l'espérance des croyants vers des joies terrestres, tandis que la Bible ne leur promet de bonheur que dans le ciel.
Les plus sobres d'entre eux suscitent, bien que nous ne puissions accepter les doctrines exposées ci-dessus, la sympathie par leur attachement aux vérités fondamentales de l'Ecriture Sainte et en imposent souvent par leur ferveur, la sincérité de leurs convictions et le zèle missionnaire qu'ils déploient par leur témoignage personnel.
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